Mémoire de Chine. Merci à Xinran !

Publié le par Thierry-Patrick GERBER

Merci énormément à Xinran, pour sa passion et ses préoccupations relatives à la vie des personnes, notamment des plus humbles ; aux destinées des gens ; au passé, au présent et à l’avenir de la Chine ; aux valeurs menacées et celles qui survivront ; à la sauvegarde du patrimoine historique, matériel, et culturel ; à la condition féminine,… Merci infiniment à Xinran pour ses enquêtes intelligentes, ses rencontres fructueuses et ses précieuses restitutions, en particulier Chinoises et Mémoire de Chine. Dans ce dernier livre, Xinran fait état de plusieurs traits chinois et explique notamment les raisons d’une « forte inhibition à parler ouvertement, de peur d’impliquer autrui » (page 13). Elle nous livre les matériaux de ses rencontres avec de vrais « personnalités », de vrais « personnages », très différents les uns des autres. On trouve aussi dans cet ouvrage des destins de couples et des « lettres d’amour ». Xinran a parcouru des espaces gigantesques. Sources d’informations, les chauffeurs de transport public et les chauffeurs routiers ont vu tant de choses : « les changements du pays, les grandes différences entre l’ouest et l’est de la Chine ainsi que le fossé qui existe entre ville et campagne. » (page 133). Les voyages sont riches d’enseignements. En voyant « l’Europe prendre autant de soin pour la préservation de son patrimoine culturel, l’inconvenante frénésie que mettait mon pays à détruire l’ancien pour du neuf commença à m’inquiétude. », écrit Xinran, qui évoque « cette irresponsable destruction du passé » (page 32). Elle nous fait partager ses inquiétudes qui sont celles d’habitants mobilisés pour la sauvegarde des patrimoines. Xinran évoque la sauvegarde des vieilles rues juives de Kaifeng que l’administration locale voulait détruire à la fin des années 1980 (pages 273-274). Et Tashi s’inquiète de « la disparition prochaine de certaines coutumes Han à travers toute la Chine. » (page 272). Nous visitons une bourgade méconnue : Linhuan, avec sa muraille d’enceinte en terre, ses portes et tours de guet, les maisons de thé héritière d’une culture de consommation de thé, vieille de mille ans et liée à l’intense fréquentation du Grand Canal. Linhuan avec ses maisons, faites de petites briques bleu-vert. « C’est en soi un grand musée d’architecture ancienne. » (page 309). Ces maisons de thé qui servait aussi de lieu de médiation lors d’incompréhensions ou conflits au sein des familles (page 311). Le chapitre sur les artisans fabriquant les « lanternes de Qin Huai » est riche d’apports culturels. « En 1985, la fête des Lanternes de Qin Huai a été remise au goût du jour après de longues années d’oubli. » Lanternes lapin, lotus, lion ou dragon. Une lanterne figurera même sur un timbre national qui sillonnera la Chine et le monde. Rencontre avec un artisan et discussion sur ce qu’est la reconnaissance. Xinran relate le destin de la Femme aux Deux Pistolets qui, comme nombre d’autres femmes, « devenue veuve à trente-cinq ans, dut supporter d’innombrables nuits de solitude après la mort de son mari » (page 55). Prenant appui sur la capacité de pardon de cette femme qui a été trahie, symbolisée par le don d’un bracelet à la traîtresse, Xinran écrit : « Durant les vingt ans où je fus journaliste, j’ai souvent été émue par cette facilité avec laquelle la vieille génération chinoise pardonne. » (page 57). D’une rencontre avec un couple de pionniers du pétrole, Xinran évoque les remords d’une partie de la population : « Ils sont si nombreux […] en Chine dans cette vieille génération […]. Les enfants ont été les victimes de ces parents dévoués à leur patrie, et cette enfance si candide, si innocente a été sacrifiée sur l’autel de la politique. » (page 201). La rencontre avec la célèbre acrobate permet à Xinran de se souvenir : combien de femmes « se sont tuées à la tâche nuit après jour pour élever leurs enfants […] ? ». Elle poursuit : « Nous, les Chinois, nous considérons nos mères comme des bougies, car c’est pour nous inonder de leur lumière qu’elles se consument… » (page 235). Emouvants sont les remerciements de la fille aînée à sa mère (page 587), l’épouse du vieux policier de Zhengzhou, qui ne peut pas les entendre. Dans ce livre, beaucoup d’autres « personnages » et histoires, dont les souvenirs choisis d’un héros de la Longue Marche et les préoccupations de ces anciens militaires qui apprennent l’anglais pour voyager ou informer les étrangers lors des JO de 2008. « Je ne connais aucun autre peuple plus soucieux des autres que les Chinois », écrit Xinran (page 488). Merci à Xinran pour son amour préoccupé, charnel et critique de la Patrie.
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