Les deux chevaux de Gengis Khan, ou un projet qui ne dit pas vraiment son nom ?

Publié le par Thierry-Patrick GERBER

Après deux films splendides, L'histoire du chameau qui pleure et Le chien jaune de Mongolie, la réalisatrice mongole Byambasuren Davaa, ancienne présentatrice de télévision d'Oulan Bator (Mongolie Extérieure), nous offre Les deux chevaux de Gengis Khan. Des images superbes... Un film germano-mongol d'une durée d'une heure 27 minutes. Sortie en salle le 13 juillet 2011.

 

Après avoir vu Le chien jaune de Mongolie, nous nous sommes interrogés sur les raisons de présenter les Mongols sous un jour si sympathique. N'y avait-il pas une raison cachée ? Cela ne s'inscrivait-il pas dans un projet qui ne dit pas son nom ?

 

Le film Les deux chevaux de Gengis Khan est "un voyage" et "une quête" en liaison avec "une promesse". "Conduisant Urna sur le chemin de la Mongolie"... nous dit la bande annonce.

 

La grand mère d'Urna a vu son violon traditionnel à deux cordes (dont l'origine remontrait au XIIème siècle) détruit pendant la Révolution culturelle en Chine. Il ne subsiste qu'une tête de cheval. Urna, chanteuse mongole renommée, part à la recherche de ce qui manque : le corps du violon et son manche où figuraient les paroles d'une légende chantée sur les chevaux de Gengis Khan. Elle rencontre un luthier en ville et des Mongols dans les plaines lointaines. Ce film est une enquête : que reste-t-il vraiment de la Mongolie ?

 

Derrière ce récit, il y a la tête de cheval qui symbolise l'identité mongole. Le violon brisé en deux morceaux renvoie à la nation mongole éclatée entre Mongolie Extérieure et Mongolie Intérieure (Chine).

 

Certains commentateurs indiquent : "Pierre angulaire du récit : l'histoire du pays et son déchirement" entre une "Mongolie extérieure indépendante" et une Mongolie intérieure qui serait "colonisée par les Hans". Certains autres évoquent "le joug han" sur les traditions mongoles.

 

Il est probable que le projet sous-tendu par le film Les deux chevaux de Gengis Khan renvoie à une critique de la révolution culturelle en Chine, à une nostalgie de la grandeur passée (référence explicite à Gengis Khan qui a, rappelons-le unifié les tribus mongoles par la violence et qui ont commis d'innombrables crimes et atrocités en Chine pendant plusieurs décennies, ainsi qu'aux chevaux et à la cavalerie qui ont été l'instrument de la conquête en Chine), à une mélancolie par rapport à la vie pastorale et traditionnelle qui se délite (conséquences de plusieurs facteurs dans les deux Mongolie), à une critique cachée de l'oubli par beaucoup des légendes et récits de la gloire passée des Mongols, à une proposition de réunifier les Mongols, au sein d'un même Etat, la Mongolie... au détriment de la République populaire de Chine, Etat multinational.

 

N'oublions pas que nous devons aux Chinois le premier récit sur l'histoire des Mongols, écrit par ces derniers. N'oublions jamais les actions criminelles, cruautés et exactions commises par les Mongols dans de nombreuses régions du monde et en Chine.

 

Comme par hasard, ce film oublie tout simplement d'en parler... Il voudrait réenchanter l'histoire et la vie traditionnelle des Mongols (qui pratiquaient des razzias) et reconstruire un Etat unifié sur la base d'une mémoire grandement sélective. Derrière des aspects pouvant apparaître sympathiques (la beauté et force des gens, les chevaux au galop, les plaines et paysages magnifiques,...), il est probable que se cache un projet suspect...

 

Souhaitons que cette promesse de réunification ne se réalise jamais dans l'oubli de l'histoire et de ses conséquences désastreuses.

 

 

Gong (Travail)

 

 

 

 

 

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